Décret exécutif n° 02-156 du 26 Safar 1423 correspondant au 9 mai 2002 fixant les conditions d’interconnexion des réseaux et services de télécommunications

CHAPITRE I : DES DISPOSITIONS GENERALES

Art. 2. — Il est entendu au titre du présent décret par :
– Catalogue d’interconnexion : le catalogue contenant l’offre technique et tarifaire d’interconnexion de référence, publié par les opérateurs de réseaux publics et approuvé par l’autorité de régulation ; Opérateur puissant : tout opérateur de réseau public disposant d’une position d’influence significative sur le marché national des télécommunications ou sur le marché d’un service de télécommunications pertinent. L’autorité de régulation désigne les opérateurs puissants ;
– Point d’interconnexion : lieu où un opérateur de réseau établit les équipements d’interface permettant l’interconnexion de son réseau avec ceux des autres opérateurs ;
– Liaison d’interconnexion : la liaison de transmission (filaire, radioélectrique ou autre) reliant le réseau d’un opérateur au point d’interconnexion d’un fournisseur d’interconnexion ;
– Services ou réseaux compatibles : services ou réseaux dont les supports, normes et/ou protocoles permettent l’interconnexion.

Art. 3. — Les conditions d’interconnexion des réseaux et services de télécommunications visent à :
– permettre de regrouper l’ensemble des réseaux compatibles ouverts au public au sein d’un réseau national algérien ;
– garantir l’efficacité technique de ce réseau national aux meilleures conditions économiques et assurer pour les utilisateurs finaux la connexion des réseaux d’opérateurs différents ;
– favoriser l’accès des opérateurs de réseaux et de services à l’ensemble du marché algérien des télécommunications, e n limitant, notamment, les entraves à la libre concurrence liées à la position dominante de certains opérateurs.

 

CHAPITRE II : DE L’INTERCONNEXION AUX RESEAUX DE TELECOMMUNICATIONS

Art. 4. — Chaque opérateur de réseau(x) public(s) de télécommunications est tenu d’interconnecter, directement ou indirectement, son (ses) réseau(x) à ceux des autres opérateurs de réseaux publics. A cet effet, il est tenu d’interconnecter directement son réseau avec au moins un autre réseau public. Il est tenu, en outre, de s’assurer que les interconnexions qu’il a établies permettent à son réseau de communiquer avec l’ensemble des autres réseaux publics compatibles.

Art. 5. — Les demandes d’interconnexion sont formulées par écrit par les opérateurs de réseaux ou les prestataires de services. Les demandes d’interconnexion doivent fournir les caractéristiques de l’interconnexion demandée, notamment les points d’interconnexion souhaités, les capacités des liaisons, les normes de signalisation proposées. Les opérateurs de réseaux publics répondent dans un délai ne dépassant pas trente (30) jours calendaires.
La réponse précise les modalités techniques et financières de l’interconnexion, ainsi que le calendrier proposé pour sa mise en œuvre, à moins qu’elle n’ait pour objet de refuser la demande d’interconnexion.

Art. 6. — Une demande d’interconnexion ne peut être refusée que lorsqu’elle ne peut être satisfaite sur la base du catalogue d’interconnexion dûment approuvé par l’autorité de régulation.
Dans ce cas, ou lorsque l’offre est jugée insatisfaisante, le demandeur peut saisir l’autorité de régulation.
L’autorité de régulation rend une décision motivée dans un délai de trente (30) jours à compter de sa saisine par le demandeur d’interconnexion, après avoir invité les deux parties à présenter leurs observations. Dans le cas où elle juge la saisine justifiée, la décision de l’autorité de régulation précise les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion doit être assurée.

Art. 7. — L’interconnexion fait l’objet d’une convention entre les opérateurs concernés. Cette convention détermine les conditions techniques et financières de l’interconnexion.
La convention d’interconnexion fait référence aux catalogues d’interconnexion préparés chaque année par les opérateurs. Ces catalogues sont préparés et publiés par les opérateurs.

Art. 8. — La convention est communiquée à l’autorité de régulation dans un délai de sept (7) jours calendaires à compter de sa signature par les parties. L’autorité de régulation dispose d’un délai de trente (30) jours après réception de la convention pour demander aux parties d’y apporter des amendements si elle juge que les dispositions législatives et réglementaires applicables en la matière ou que ses décisions prises en application de ces dispositions ne sont pas respectées et/ou que la loyauté de la concurrence et l’interopérabilité des services ne sont pas garanties. Cette demande d’amendement doit être motivée et doit porter, notamment, sur les cas suivants :
– non-respect des normes édictées par les organismes de normalisation compétents ;
– non-respect du cahier des charges d’un opérateur ;
– non-respect du principe de non-discrimination.
A cet effet, l’autorité de régulation effectue une comparaison entre chaque nouvelle convention soumise à son approbation et les conventions en vigueur concernant les parties. En cas de pratique discriminatoire, l’autorité de régulation demande la modification de la nouvelle convention ou des conventions en vigueur, afin que les dispositions les plus favorables soient appliquées à tous les opérateurs ou prestataires de services placés dans une position similaire.
Lorsque l’autorité de régulation estime nécessaire de modifier une convention d’interconnexion, elle notifie sa demande motivée aux opérateurs concernés qui disposent d’un délai de trente (30) jours pour amender la convention et soumettre la nouvelle convention à l’autorité de régulation.

 

CHAPITRE III : DES MODALITES TECHNIQUES D’INTERCONNEXION DES RESEAUX ET SERVICES DES TELECOMMUNICATIONS

Art. 9. — Les opérateurs et prestataires de services sont tenus de prendre l’ensemble des mesures nécessaires pour garantir le respect, notamment :
– de la sécurité des réseaux ;
– du maintien de l’intégrité des réseaux ;
– de l’interopérabilité des services ;
– de la protection des données, y compris celles à caractère personnel, la protection de la vie privée et la confidentialité des informations traitées, transmises et stockées.

Art. 10. — La convention d’interconnexion doit prévoir les dispositions qui seront prises à l’effet de garantir le maintien de l’accès aux réseaux et aux services de télécommunications dans les cas de défaillance du réseau ou dans les cas de force majeure. L’autorité de régulation peut, si elle les juge insuffisantes, demander aux opérateurs de modifier ces conventions dans le sens de la prise en charge de cette obligation.

Art. 11. — L’autorité de régulation précise et publie les normes et spécifications techniques auxquelles les opérateurs et prestataires de services doivent se conformer en vue :
– d’assurer le respect des exigences telles que prévues à l’article 9 ci-dessus ;
– de permettre l’interfaçage des différents réseaux et services compatibles.
A défaut de normes et spécifications techniques applicables à la date où l’interconnexion est négociée entre deux opérateurs, les parties pourront librement déterminer les spécifications des interfaces entre leurs réseaux, sous réserve de l’adoption de normes recommandées par l’Union internationale des télécommunications.

Art. 12. — Lorsqu’une interconnexion avec un autre réseau porte gravement atteinte au bon fonctionnement d’un réseau public ou au respect des exigences visées à l’article 9 ci-dessus, l’opérateur de ce dernier réseau en informe l’autorité de régulation et lui communique ses observations et analyses. L’autorité de régulation peut alors, si elle le juge nécessaire, autoriser la suspension de l’interconnexion. Elle en informe les parties et fixe les conditions de son rétablissement.
S’il existe un danger grave et urgent portant atteinte au fonctionnement et/ou à la sécurité de son réseau, l’opérateur pourra interrompre l’interconnexion, sous sa responsabilité, et prendre les dispositions pour en informer immédiatement les usagers. L’autorité de régulation doit être informée dans les vingt quatre (24) heures de la cause de l’interruption et de la nature du danger ayant nécessité l’interruption du trafic. Elle prend dans les deux (2) jours ouvrables suivants, une décision
motivée sur le caractère nécessaire ou inutile de la suspension. En cas de suspension non justifiée, elle peut contraindre l’opérateur fautif à indemniser les parties lésées.

Art. 13. — Chaque point d’interconnexion est choisi par l’opérateur ou le prestataire de services, demandeur de l’interconnexion, parmi les points d’interconnexion figurant au catalogue de l’opérateur fournisseur de l’interconnexion.
Dans le cas d’interconnexion entre réseaux, l’établissement de la liaison d’interconnexion est, sauf si les deux parties en décident autrement, à la charge de l’opérateur demandeur de l’interconnexion.
Cette liaison demeure sous la responsabilité de l’opérateur qui l’établit. Dans le cas d’interconnexion entre un prestataire de services et un opérateur de l’interconnexion de réseau, l’établissement de la liaison d’interconnexion est à la charge de l’opérateur de réseau.

Art. 14. — Les spécifications techniques des systèmes de modulation, de multiplexage et de signalisation sont définies pour chaque point d’interconnexion par le catalogue d’interconnexion dans le respect des normes et spécifications techniques applicables.
En cas de désaccord entre les parties sur la fixation des interfaces, l’autorité de régulation est saisie et doit rendre sa décision dans un délai de trente (30) jours calendaires à compter de sa saisine après consultation de l’autre partie.
Avant la mise en œuvre effective de l’interconnexion, les interfaces font l’objet d’essais définis conjointement et réalisés sur site par les deux opérateurs concernés. Dans le cas où les essais d’interconnexion ne s’effectueraient pas dans les conditions techniques et de délais convenus, l’une ou l’autre des parties peut demander l’arbitrage de l’autorité de régulation.

 

CHAPITRE IV : DES CATALOGUES D’INTERCONNEXION

Art. 15. — Les catalogues d’interconnexion des opérateurs de réseaux de télécommunications ouverts au public doivent déterminer les conditions techniques et tarifaires de leur offre. Les offres sont distinctes pour les interconnexions de réseaux et les interconnexions de services.

Art. 16. — Les catalogues détaillent l’offre des opérateurs selon la décomposition suivante :
– les services offerts : services d’accès commutés aux niveaux local, national, international, établissement des liaisons d’interconnexion, prestations complémentaires ;
– les conditions techniques : description de l’ensemble des points d’interconnexion et des conditions d’accès physique à ces points, description complète des spécifications techniques et des interfaces d’interconnexion proposées ainsi que des conditions de leur mise en œuvre ;
– les tarifs et les frais : tarifs pour l’établissement et le maintien de l’interconnexion, y compris les tarifs de mise à disposition d’emplacements et de sources d’énergie pour les équipements localisés sur l’emprise du fournisseur d’interconnexion, tarifs d’acheminement du trafic, tarifs des prestations complémentaires éventuelles, modalités de détermination des frais variables associés à l’établissement de l’interconnexion.

Art. 17. — Le catalogue d’interconnexion est soumis à l’approbation de l’autorité de régulation dans les six (6) mois suivant l’attribution de la licence et sans préjudice des dispositions du décret exécutif n° 01-219 du 10 Joumada El Oula 1422 correspondant au 31 juillet 2001, susvisé.
Une copie du catalogue d’interconnexion, dûment approuvé par l’autorité de régulation, est transmise au ministre chargé des télécommunications.
Pour les exercices suivants, le catalogue est soumis à l’autorité de régulation au plus tard le 30 avril de l’année en cours. Les tarifs qui y figurent sont fondés sur l’analyse des résultats comptables au 31 décembre de l’exercice précédent. L’autorité de régulation dispose d’un délai maximal de quarante cinq (45) jours calendaires pour l’approuver ou demander des amendements. Le catalogue est publié avant le 30 juin de chaque année et sera valable du 1er juillet au 30 juin de l’année suivante.
Il est publié dans le mois suivant son approbation par l’autorité de régulation. La publication du catalogue sera annoncée par insertion d’un communiqué dans au moins deux (2) quotidiens nationaux. Cette annonce précisera le lieu où le catalogue pourra être retiré ainsi que le montant à payer en compensation des frais d’édition.
La publication sera complétée par l’insertion du catalogue dans un site Internet facilement accessible au public et consultable gratuitement.
A défaut de publication par l’opérateur de l’annonce de la publication du catalogue ou de son insertion dans un site Internet, l’autorité de régulation assurera l’annonce et/ou la publication du catalogue aux frais de l’opérateur défaillant.
Toute condition d’interconnexion qui n’aurait pas été prévue par le catalogue de l’opérateur devra être signalée en tant que telle dans les conventions d’interconnexion.

Art. 18. — L’offre d’interconnexion peut être modifiée au cours de la période de validité d’un catalogue sous réserve que tous les opérateurs puissent bénéficier également de la modification et sous réserve de l’approbation de cette modification par l’autorité de régulation.
Si deux opérateurs s’accordent sur un point d’interconnexion ou sur des spécifications techniques ne figurant pas au catalogue, l’opérateur fournisseur d’interconnexion est tenu de rendre public un addendum à son catalogue afin d’y faire figurer le nouveau point d’interconnexion ou les nouvelles spécifications. Il doit alors faire droit aux demandes de modification de leur interconnexion formulées par les opérateurs ayant établi une interconnexion avec son réseau.

Art. 19. — L’autorité de régulation peut demander à tout moment la modification du catalogue d’interconnexion lorsqu’elle estime que les conditions de concurrence et d’interopérabilité des réseaux et services de télécommunications ne sont pas garanties.
Elle peut également décider d’ajouter ou supprimer des prestations inscrites au catalogue pour mettre en oeuvre les principes d’orientation des tarifs  d’interconnexion vers les coûts réels ou pour mieux satisfaire les besoins de la communauté des opérateurs.

 

CHAPITRE V : DES TARIFS D’INTERCONNEXION

Art. 20. — Les tarifs d’interconnexion, comme ceux de location de capacité, sont établis dans le respect du principe d’orientation vers les coûts réels. Les opérateurs
doivent prendre en compte les meilleures pratiques internationales d’opérateurs dans des situations comparables.
A cet effet, les opérateurs mettront en place avant la fin de la période transitoire, prévue dans leur cahier des charges, une comptabilité analytique qui leur permettra d’identifier les différents types de coûts suivants :
– les coûts de réseau général, c’est-à-dire les coûts relatifs aux éléments de réseaux utilisés à la fois par l’opérateur pour les services pour ses propres utilisateurs et pour les services d’interconnexion ;
– les coûts spécifiques aux services d’interconnexion, c’est-à-dire les coûts directement induits par les seuls services d’interconnexion ;
– les coûts spécifiques aux services de l’opérateur autre que l’interconnexion, c’est-à-dire les coûts induits par ces seuls services.

Art. 21. — Les coûts spécifiques aux services d’interconnexion sont entièrement alloués aux services d’interconnexion.
Les coûts spécifiques aux services de l’opérateur autres que l’interconnexion sont exclus de l’assiette des coûts de service d’interconnexion. Sont particulièrement exclus les coûts d’accès (boucle locale) et les coûts commerciaux, publicités, marketing, ventes, administration des ventes hors interconnexion, facturation et recouvrement hors interconnexion.

Art. 22. — Les coûts alloués à l’interconnexion doivent reposer sur le principe de causalité directe ou indirecte au service rendu d’interconnexion.
L’évaluation des coûts d’interconnexion est réalisée annuellement par les opérateurs sur la base des comptes de l’exercice précédent. Elle est communiquée à l’autorité de régulation en appui du catalogue d’interconnexion. L’autorité de régulation définit autant que de besoin les règles comptables et de modélisation détaillées applicables par les opérateurs, dans le but d’assurer la cohérence des méthodes et la validité économique des résultats. A cette fin, les opérateurs sont associés à l’élaboration de ces règles.

Art. 23. — La tarification comprend deux éléments :
– une partie fixe, fonction de la capacité mise en œuvre, qui correspond aux frais d’établissement et/ou de raccordement ainsi qu’aux frais d’exploitation et d’entretien indépendants du trafic. Elle est payée sous forme de versements périodiques ;
– une partie variable, fonction du volume du trafic écoulé, qui se différencie selon que le trafic soit local, national ou international, ou encore acheminé vers un opérateur tiers par rapport au fournisseur et à l’acheteur d’interconnexion. Un tarif national unique fondé sur la pondération des trafics peut être proposé, notamment pour l’interconnexion des prestataires de services.

Art. 24. — Les tarifs d’interconnexion des opérateurs puissants peuvent être soumis à encadrement par l’autorité de régulation. Cet encadrement est défini en tenant compte non seulement des calculs de coûts fournis par ces opérateurs, mais aussi de comparaison avec les niveaux pratiqués par les opérateurs de pays dont la situation économique est comparable à celle de l’Algérie.
L’objectif de cette comparaison est de garantir la compétitivité de l’offre des opérateurs algériens.